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Mobiliser des interprètes en langue des signes, des codeurs ou de la vélotypie pour accompagner des agents sourds

L’Institut National des Jeunes Sourds (INJS) de Chambéry compte 230 agents : enseignants, éducateurs, codeuses LPC, métiers du soin et de l’accompagnement social… Sous convention avec le FIPHFP depuis 2013, l’INJS mobilise, dans le cadre de l’axe Maintien dans l’emploi de sa 3ème convention, des dispositifs d’interprétariat en langue des signes (LSF) ou de code en langage parlé complété (LPC).

Ludovic Lotode, directeur de l’INJS, nous en dit plus sur ces dispositifs à destination des personnels sourdes et sur leur valeur ajoutée.

Quels types de dispositifs avez-vous mobilisés ces dernières années ?

Dans le cadre de leur activité professionnelle, au-delà d’aides techniques à l’appareillage, certains de nos professionnels sourds (8% des effectifs) ont besoin d’interprètes en LSF. Ces derniers interviennent lors de réunions internes ou externes et pour des entretiens en tête-à-tête avec les agents concernés dans le cadre de leur activité. Les agents concernés font directement une réservation auprès du service interprète LSF de l’Institut qui intervient directement ou a recours aux services d’interprètes extérieurs en l’absence de disponibilité.

D’autres ont besoin d’interface en code LPC. Il s’agit de personnes qui peuvent lire sur les lèvres, mais qui ont besoin qu’une personne reformule en LPC en articulant et en faisant des gestes associés.
Nous avions également, dans nos équipes, un professionnel qui avait besoin de cet appui en code sur 100% de ses tâches. Une codeuse lui était ainsi attribuée en qualité d’auxiliaire de vie professionnelle, prise en charge dans le cadre de la convention avec le FIPHFP.

Nous avons également exploré d’autre dispositif comme, par exemple, la vélotypie dans le cadre de réunion. Toutefois, nous n’avons pas encore trouvé de solution fiable pour chaque personne. Les solutions de vélotypie ne sont pas encore idéales. Il existe une latence compliquée à gérer pour le professionnel et l’information ne va que dans un sens. L’aide humaine est pour le moment plus efficace.

Nous avons également mis en place un plan de développement des compétences linguistiques intégrant une formation interne des personnels en LSF et en code. En effet, dans un monde idéal tout le personnel parlerait en LSF et nous n’aurions plus besoin d’interprète !

Quelle est leur valeur ajoutée de la mobilisation de ces dispositifs dans le cadre d’une convention avec le FIPHFP ?

Avant la convention, nous effectuions, via la RH, des demandes de financement au FIPHFP au cas par cas pour chaque besoin.  La convention a permis d’anticiper le budget, d’avoir de la visibilité et ainsi de recruter des interprètes en LSF pour nos professionnels. Cela a beaucoup simplifié les choses
Nous savions que nous avions des besoins pérennes : la surdité n’est jamais complètement résolue. Le besoin existera tout au long de la carrière de l’agent.

Quels conseils donneriez-vous à des employeurs publics souhaitant mobiliser de telles aides / dispositifs ?

Tout d’abord, il faut bien garder à l’esprit que le premier expert du handicap est la personne en situation de handicap. C’est elle qui connaît le mieux son besoin. Le besoin est différent pour chaque personne sourde. Il est important de bien échanger avec la personne et de permettre un fonctionnement souple pour cette dernière.

Je conseillerai également de conventionner avec des prestataires ou des associations. Cela facilite de la mobilisation ponctuelle d’un interprète ou d’une codeuse. Cela permet une procédure simple et efficace pour réserver ces derniers dans des délais courts. Nous avons ainsi arrêté de passer des contrats au cas par cas : nous avons conventionné avec 4 codeuses qui peuvent être mobilisées quand les agents en ont besoin.

De plus, il faut savoir que la présence d’un personnel sourd en réunion discipline ces dernières et oblige tous les participants à structurer leur propos, à parler chacun à son tour. Suivre une réunion en interprétariat est fatigant, il faut donc veiller à ne pas faire de réunion trop longue : pas plus de 2h (ce qui est d’ailleurs dans la convention des interprètes).
La difficulté réside également dans le fait qu’un professionnel qui regarde une codeuse, un interprète ou une vélotypie ne peut pas suivre simultanément un powerpoint. Il faut donc trouver des solutions et prévoir un peu plus de temps pour les réunions.
La visio-conférence avec code ou interprétariat peut également fonctionner, mais cela s’organise et suppose d’avoir une bonne couverture réseau pour que cela ne saute pas.