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Tout type de handicap peut être - par définition - invisible

Acteurs de terrain travaillant au plus près des personnes en situation de handicap et des employeurs, les Cap emploi sont en 1ère ligne quand il s’agit d’appréhender la pluralité de situations que revêtent les handicaps invisibles. Ils ont ainsi vu se multiplier les pathologies non détectables à l’œil nu qui constituent aujourd’hui la majorité de leurs publics.

Parler des handicaps invisibles, plus que du handicap invisible

« Lorsqu’une personne commence à travailler chez nous, elle est en général surprise de ne croiser aucune personne qui semble en situation de handicap », indique Didier Carrière, directeur du Cap emploi du Tarn. « Ce n’est pas étonnant : près de 85% des personnes que nous accueillons ont un handicap qui ne se voit pas ». Situation confirmée par Séverine Chartrain, directrice du Cap emploi de la Manche : « Il s’agit de la majorité de nos publics. Le handicap est presque, chez nous, par définition invisible. Tout type de handicap peut être invisible ».

Une vision partagée par Marie-Anne Kolb Rival, psychologue clinicienne au sein du Cap emploi du Var : « Personnellement, je ne pense pas en termes de handicap invisible, mais en termes de situations individuelles, d’accompagnement et de personnes. Les handicaps non visibles touchent pratiquement tous les handicaps. Il faut être prudent avec la notion de handicap invisible. Il ne faut pas que ce terme devienne un fourre-tout qui conduise à oublier la dimension très personnelle et individualisée de chaque handicap. Il n’y a pas un handicap invisible, mais différentes typologies de handicap qui sont – en grande majorité - invisibles ».

La notion de handicap invisible recouvre ainsi des situations très variées : handicap psychique, mental, maladies invalidantes, maladies évolutives chroniques, telles que sclérose en plaque, le diabète, les cancers, mais aussi les pathologies ce qui sont de l’ordre des troubles cognitifs, notamment les troubles du spectre de l’autisme ou les troubles Dys. De plus, certains handicaps sensoriels et moteurs relèvent également des handicaps invisibles. Le point commun : le trouble est non apparent, non détectable à la vue.

Séverine Chartrain du Cap emploi de la Manche souligne une autre spécificité : « Nous observons souvent une porosité des difficultés. Par exemple, les troubles psychiques non visibles liés à des pathologies peuvent représenter un frein beaucoup plus important à l’insertion professionnelle que la pathologie visible et identifiée ».

Un double handicap, une double peine

Les personnes souffrant d’un handicap non visible sont souvent confrontées à une double peine : non seulement la souffrance que génère leur situation de handicap, mais aussi à l’incompréhension de l’environnement dans lequel elles évoluent. Les personnes ont tendance à s’isoler, à se replier face à cette incompréhension. Didier Carrière confirme cet état de fait : « Face à ces situations qui peuvent être très lourdes, il est parfois tellement difficile pour la personne de savoir comment se comporter, qu’elle abandonne. Cela arrive de plus en plus souvent. Nous voyons une baisse de la demande d’emploi des personnes en situation de handicap, plus forte que pour le « tout public ». La reprise d’emploi explique en partie cela, les abandons des demandeurs d’emploi en situation de handicap pourraient aussi être un des éléments d’explication à cette baisse ». Cela concerne les personnes en recherche d’emploi, mais également les situations de maintien dans l’emploi, comme l’explique Thibaut Vernhes, responsable d’équipe au sein du Cap emploi du Tarn : « La résistance s’essouffle quand le handicap est incompris : les personnes renoncent. Elles ne veulent plus aller vers du maintien et cela vient renforcer leur situation de handicap ».

Des modalités d’accompagnement variées pour la personne et son environnement de travail

Dans les situations de handicap invisible, la situation n’est souvent pas stable : un véritable enjeu pour les Cap emploi tant en matière d’accompagnement des personnes et que de sensibilisation des employeurs et des collectifs de travail. Une prise en charge que détaille Séverine Chartrain : « Nous intervenons surtout quand il y a un fort besoin d‘acceptation et de compensation. Il existe une pluralité de handicaps et donc une pluralité de compensations possibles : aménagements de poste, adaptation d’horaires, modularité de l’organisation du travail pour les maladies chroniques notamment… ».

L’intervention des Cap emploi se situe alors à plusieurs niveaux comme l’explique Didier Carrière : « Nous intervenons tout d’abord auprès des personnes en situation de handicap. Il faut les amener à faire avec leur situation de handicap et à s’adapter à elle. Il faut également arriver à faire reconnaître le handicap et à le faire accepter aux autres, notamment au collectif de travail. De notre point de vue, mettre en avant les compétences ne suffit pas. La façon dont le handicap au travail est abordé, lors du recrutement ou lorsque la personne est en poste, est tout aussi importante. Lorsqu’un handicap est invisible, faire de son handicap une force n’est pas simple. Cela demande un double effort : personnel et sur l’environnement de travail. Il est alors important d’agir à tous les niveaux de cet environnement :

  • Au niveau des accompagnants : Il faut aller plus loin dans la formation et la sensibilisation des professionnels sur le handicap invisible : notamment auprès des conseillers mission locale, pôle emploi, référent handicap des et organismes de formation.
  • Au niveau de l’entreprise : Il est primordial de faire comprendre le handicap, de travailler sur les représentations que chacun peut avoir à tous les niveaux (direction, management, équipe de travail). Il faut communiquer pour sortir de l’incompréhension mutuelle.
  • Au niveau de la société : Il s’agit de faire connaître les dispositifs d’accompagnement et leurs acteurs pour que les personnes sachent que des solutions existent et soient orientées vers les bons interlocuteurs".

Pour accompagner au mieux les personnes et les employeurs, Les équipes des Cap emploi ont opéré une importante montée en compétences à travers de formation aux handicaps invisibles notamment au travers de la mise en place de parcours certifiants. Séverine Chartrain précise ainsi : « Il n’existe pas de recettes miracles, mais il y a des codes à connaître. Il faut tout réinventer en permanence car toutes les personnes ne sont pas à la même étape d’acceptation du handicap et de leur parcours professionnel. Le fait de nous outiller nous permet de mieux appréhender les situations. Cette montée en compétences concerne les Cap emploi, mais aussi leurs partenaires et fournisseurs. Elle permet d’intervenir plus finement sur les situations. Il reste toutefois encore des sujets sur lesquels nous devons encore nous aguerrir comme celui des troubles psychiques et des maladies chroniques évolutives (MCE) qui présentent une instabilité complexe pour les employeurs et demandent des dispositifs adaptés comme l’emploi accompagné ou l’auxiliariat professionnel. Nous devons gagner en souplesse et en fluidité dans l’activation de tels dispositifs. Il faut qu’ils soient mobilisables dès que l’on en a besoin et qu’ils soient adaptables ».

Comme le rappelle Marie-Anne Kolb Rival du Cap emploi du Var, il faut trouver : « l’accompagnement le plus adapté à la personne. Dans un certain nombre de cas, nous avons besoin de spécialistes des pathologies pour bien accompagner les personnes. L’idée est de proposer des prestations adaptées, spécialisées, déployées sur des phases bien précises de diagnostic, de préparation et en lien avec l’emploi. Les prestations d’appui spécifique ( ) sont des outils indispensables. Elles sont adaptées à chaque typologie de handicap et permettent d’avoir un regard sur la durée, avec une régularité des rendez-vous. Elles apportent une expertise et une réponse adaptée aux besoins de la personne. En complémentarité de ce qu’un chargé de mission Cap emploi, un conseiller Pôle emploi ou une Mission locale peut apporter notamment dans la temporalité (fréquence d’un accompagnement spécialisé ».

L’élargissement des missions des Cap emploi, notamment sur le volet Accompagnement dans l’emploi, participe également à la sécurisation des parcours professionnels des personnes en situation de handicap que ce soit en maintien dans l’emploi ou dans un nouveau projet professionnel. « Ce nouveau cadre permet de prendre en compte la pluralité des situations que nous pouvons rencontrer, ce qui n’était pas le cas auparavant où nous renvoyions vers des dispositifs de droit commun », souligne Didier Carrière.

Communiquer pour lutter contre la stigmatisation

Communiquer sur les handicaps invisibles est primordial. La non compréhension fausse l’interprétation : le fait de ne pas voir le handicap génère de mauvaises interprétations. Communiquer sur le handicap invisible a non seulement une influence sur l’acceptation du handicap par la personne, mais également sur la vision du handicap par la société.

Marie-Anne Kolb Rival explique ainsi que : « Les personnes en situation de handicap sont souvent dans un entre-deux :  Elles ne veulent pas se sentir stigmatiser / discriminer, mais ont aussi peur de parler d’elles et de se dévoiler ce qui pourrait, toutefois, permettre de lever parfois l’incompréhension.
Lorsque la personne est en emploi, le handicap (non visible) peut devenir un frein. La personne aura pu donner le change durant de longues années, repousser ses limites, ne rien laisser entrevoir et aller jusqu’au bout d’elle-même (parfois jusqu’au burn-out). Et lorsque la situation se dégrade d’un seul coup, l’employeur ne comprend pas et ne sait pas comment agir. La personne aurait-elle dû communiquer avant ? Le pouvait-elle ? Comment prévenir et accompagner (dans l'acceptation) la situation de handicap qu'il soit visible ou invisible ?
».

Il est donc primordial de comprendre ces personnes et de sortir de l’incompréhension à leur égard !

 

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