Ils sont référents handicap. Ils aiment leur métier pour sa dimension d’accompagnement des agents. Ils occupent leur poste depuis 1 mois ou 8 ans. Nous avons souhaité leur donner la parole pour qu’ils évoquent leur métier de référent / référente handicap, leurs missions, leur quotidien. Rencontre et regards croisés sur ce métier entre Sterenn Flahat, référente handicap en charge du maintien dans l’emploi au Centre hospitalier universitaire (CHU) de Rennes, et Gilles Barrouillet, correspondant handicap au sein du Département des Landes.
Quel a été votre parcours pour devenir référent handicap ?
Sterenn Flahat
Assistante sociale diplômée, j’ai poursuivi mes études dans les ressources humaines en validant un mastère en alternance. J’ai débuté ma carrière dans la grande distribution comme responsable d’un hypermarché. L’opportunité du poste de référente handicap en charge du maintien en emploi au CHU de Rennes me permet de me spécialiser. J’aime l’idée de suivre les agents dans leur parcours professionnel et que ceux-ci en soient acteurs.
Gilles Barrouillet
En 2010, la direction générale a souhaité mettre en place des référents handicap dans les grandes directions du Conseil départemental. Comme le sujet m’intéressait l’ayant appréhendé dans le cadre de fonctions de représentant du personnel au sein du CHSCT, je me suis proposé.
En 2018, un poste de correspondant / référent handicap a été créé pour faire vivre la convention avec le . Il m’a été proposé de candidater et j’ai accepté
A cette même période, le FIPHFP et l’EHESP ont créé un diplôme d’Etat, à Rennes, sur l’accompagnement des personnels en situation de handicap au travail. J’ai bénéficié de cette formation qui m’a permis de structurer mes missions, d’avoir de véritables clés dans l’accompagnement et de bâtir un réseau de contacts qui continue de vivre.
Comment définiriez-vous vos missions de référent handicap ?
Sterenn Flahat
Le cœur de mon métier est d’accompagner les agents qui, en raison d’un problème de santé, ont des difficultés dans leur vie professionnelle. J’échange avec eux et les oriente en fonction de leurs besoins.
Il s’agit d’un travail d’équipe avec la , la médecine du travail, l’encadrement de proximité et supérieur, l’assistante sociale, le psychologue du travail. Seule, je ne ferais pas grand-chose. Nous avons la chance de disposer au sein du CHU d’une palette d’outils comme la commission pluridisciplinaire Maintien dans l’emploi ou encore les stages par comparaison, stages de découverte des autres métiers du CHU.
Nous effectuons aussi un important travail de sensibilisation des équipes et des encadrants pour changer le regard sur le handicap.
Gilles Barrouillet
Maintenant que le poste s’est étoffé et que nous sommes sur une version élargie, je dirais que mon métier s’articule autour de deux axes :
- Une vision terrain opérationnelle : je réfléchi à la mise en place des accompagnements et des parcours d’insertion professionnelle avec les agents.
- Un axe stratégique : il faut en effet que ce qui est réalisé sur le terrain soit pensé de façon stratégique.
Pour résumer : les pieds ancrés sur le terrain et un regard stratégique ! Cela permet de mobiliser les autres acteurs de la collectivité, les décisionnaires (directions générales, DGS, élus) et de construire les lignes directrices de la politique RH sur le handicap au travail.
Aujourd’hui, notre approche stratégique parle aux élus, aux directions et aux agents.
La particularité de la fonction publique territoriale est la place primordiale des élus. C’est pour cela que la dimension stratégique est importante. Elle doit être partagée avec les élus qui restent les moteurs essentiels de ces politiques. Donner les bons éléments, les propositions claires, permet au président, au vice-président en charge du personnel de donner un cap et de mobiliser les politiques publiques.
Quelles sont pour vous les spécificités du poste de référent handicap ?
Sterenn Flahat
Le volet « Accompagnement de l’agent » est important pour moi. Nous l’orientons en fonction de sa situation de santé, de ses souhaits, de ses ambitions. Nous co-construisons son parcours professionnel.
Le travail en équipe est un autre volet que je souhaitais trouver après mon expérience de responsable RH où j’étais seule à piloter tous les aspects de ressources humaines : recrutement, paie, formation, obligation d’emploi… Il est très intéressant de travailler avec d’autres corps de métier qui possèdent une vision différente et complémentaire.
Gilles Barrouillet
Pour moi, la particularité est vraiment la dimension élargie du poste. Dans une même journée, je peux répondre à des demandes très spécifiques et pointues ou mettre en place des actions plus larges, plus stratégiques de politique de recrutement par exemple.
Nous sommes sollicités et passons d’un sujet à un autre assez rapidement. Il faut avoir une vraie rigueur et être clair dans ses plans d’actions.
Il faut également avoir la capacité à interpeller et mobiliser les services compétents. Je ne travaille jamais seul. Il s’agit d’un poste où il ne faut pas se sentir expert de tous les sujets. Nous occupons davantage un rôle de chef d’orchestre. Nous devons nous entourer de spécialistes, travailler dans la pluridisciplinarité et faire appel aux prestataires qui peuvent apporter des réponses spécifiques comme dans le cadre des (prestations d’appui spécifique).
Il faut aussi avoir une appétence à faire intervenir différentes personnes et à les amener à travailler ensemble sur des dossiers qui peuvent être très différents.
Quelles actions transversales mettez-vous actuellement en place ?
Sterenn Flahat
A titre d’exemple, il est possible de citer le travail actuel sur un projet à l’étude de mise en place d’une convention avec le FIPHFP, ainsi que sur un projet de lutte contre la désinsertion professionnelle.
Gilles Barrouillet
A l’heure actuelle, nous effectuons un important travail sur l’accessibilité numérique de nos 17 sites internes et externes. Nous avons créé d’un collectif FALC (Facile à Lire et à Comprendre) composé d’agent des services Communication, RH, Reprographie, d’un départemental, de la et de différentes directions du Département. Nous réfléchissons avec la méthode FALC sur nos communications internes et externes. L’idée est d’être formés et experts dans ce domaine pour pouvoir ensuite définir des stratégies et développés des supports.
Quels conseils donneriez-vous à un référent handicap qui prend son poste ?
Sterenn Flahat
Le plus important me semble d’être curieux, de poser des questions aux différents interlocuteurs, mais aussi aux agents afin de connaître leurs métiers et les services. Cela m’a beaucoup aidé lors de ma prise de poste. J’ai visité la DRH, été accompagnée par mes responsables hiérarchiques, fait les entretiens en binôme pour monter en compétences. Les différents interlocuteurs ont pris du temps pour échanger avec moi et pour voir de quelle manière nous allions travailler ensemble.
Il faut également fonctionner en équipe et prendre le temps d’écouter chaque agent pour individualiser l’accompagnement.
Lorsque l’on vient du secteur privé, il faut aussi s’acculturer à la façon dont s’organise la Fonction publique, notamment hospitalière, qui possède des process spécifiques. Le CHU de Rennes compte près de 9000 professionnels. Dans mon précédent poste, je connaissais chacun des 150 salariés. Là, ce n’est pas possible. Il est ainsi important d’avoir des relais dans les différents services pour faire remonter les situations qui nécessitent un accompagnement.
Gilles Barrouillet
L’essentiel est d’intégrer le plus vite possible un réseau de référents handicap comme le Handi-Pacte territorial ou d’autres réseaux locaux. Cela permet d’avoir accès à des outils, à des ressources et d’échanger avec d’autres référents. Il ne faut pas s’isoler.
Il est également primordial de bien connaître l’écosystème du handicap : les acteurs, les dispositifs, les aides mobilisables.
Autre point important : il faut construire sur le long terme et étape par étape une stratégie et s’enrichir des bonnes pratiques des autres employeurs pour les adapter à sa structure.
Pour l’interne, il est intéressant de valoriser les choses qui peuvent être mises en place, de donner du sens à ce qui est fait, de faire prendre conscience que l’on peut apporter des réponses concrètes et individualisées.
Concernant la convention, l’important est de structurer son suivi et de ne pas attendre la fin d’année pour rassembler les pièces et préparer le bilan. Il faut être organisé et suivre les choses. Cela permet de gagner du temps.
Le mot de la fin…
Notre métier est un métier d’accompagnement. Si l’on ne veut pas s’enfermer dans une routine, c’est une fonction très riche. Nous rencontrons tellement de parcours de vie différents et enrichissants que ce soit avec les collègues ou dans les ESAT. Mon adrénaline : c’est d’apporter des moments bénéfiques pour les uns ou pour les autres. Ma légitimité vient des personnes que j’accompagne. Je ne quitterai pas ce poste pour autre chose !
Gilles Barrouillet