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Tribune de Françoise Descamps-Crosnier - "La généralisation du télétravail ne doit pas oublier les besoins des personnes handicapées"

Françoise Descamps-Crosnier, présidente du Comité national du FIPHFP , a alerté ce week-end, dans le Journal du Dimanche, à travers une tribune libre sur le "parcours du combattant" que peut représenter le télétravail pour les personnes en situation de handicap.

"Si la question du télétravail est omniprésente dans le débat public depuis le début de la crise sanitaire, elle connaît un nouveau rebond avec l'arrivée de la cinquième vague. Malheureusement, la réalité à laquelle sont confrontées les personnes en situation de handicap est très rarement évoquée.

Les dernières recommandations du gouvernement, en date du 29 novembre, encouragent le télétravail lorsqu'il est possible. Sur le terrain, les travailleurs en situation de handicap sont nombreux à souhaiter travailler depuis leur domicile mais certains ont le sentiment que ce droit reste entravé par bien des obstacles. Matériels parfois dépassés, accessibilité numérique limitée, méthodes de management et d'accompagnement inadaptées au distanciel… Mettre en place le télétravail peut très rapidement prendre des airs de parcours du combattant.

Depuis 1987, année de création de l'obligation légale d'emploi des travailleurs handicapés, les initiatives se multiplient pour sécuriser l'inclusion des personnes en situation de handicap dans le monde du travail. Les actions des organismes tels que le FIPHFP , l'Agefiph ou des associations portent leurs fruits et les chiffres sont positifs : la Fonction publique affiche un taux d'emploi direct des personnes en situation de handicap de 5,58%, le secteur privé un peu moins de 4%. Chaque année, les pourcentages progressent et se rapprochent petit à petit de l'objectif fixé par l'article L.5212-1-5 du Code du travail, qui est de 6%.

Malgré cette dynamique positive et l'évolution du regard porté sur le handicap dans la sphère professionnelle, la crise du Covid-19 a fait vaciller l'équilibre des travailleurs handicapés. Les annonces des confinements successifs ont démocratisé le recours au télétravail et nous avons aujourd'hui la conviction qu'il va devenir un réflexe, un droit accordé aux collaborateurs pouvant réaliser leurs missions à distance. D'après une étude menée par myRHline en juillet 2021, 89% des employeurs interrogés considéraient le télétravail comme un mode d'organisation du travail durable. Qu'il soit proposé à 100% aux remote workers * ou à temps partiel aux personnes qui souhaitent plus de flexibilité au quotidien, il est urgent d'adapter le télétravail aux personnes en situation de handicap car sa mise en place néglige trop souvent les besoins liés aux différentes pathologies.

De nombreux leviers peuvent être activés par les employeurs publics et privés pour rendre possible et agréable le télétravail aux effectifs en situation de handicap. Le premier, et peut-être le plus important, est d'aménager ou de réaménager les espaces de travail. Les aménagements de postes à domicile sont monnaie courante mais ils devraient systématiquement être encadrés et accompagnés, notamment sur le déploiement de formations complémentaires et sur le suivi des travailleurs pour s'assurer que les nouveaux dispositifs sont suffisamment maîtrisés pour accomplir en autonomie leurs missions. Le déploiement de la visioconférence doit aussi être pensé pour les personnes en situation de handicap car elle est aujourd'hui l'outil de référence qui permet l'échange d'idées, l'organisation des réunions et plus largement l'avancée des projets. Certains logiciels sont plus accessibles que d'autres et il est important de bien choisir ses outils pour que la visioconférence soit à la portée de tous les membres d'une même équipe.

En parallèle de l'environnement, il est important d'aménager aussi le rythme de travail et de télétravail. En avril 2021, 47% des actifs en situation de handicap se disaient généralement opposés au télétravail, craignant l'isolement, la fatigue et la lassitude**. Un juste équilibre entre présentiel et distanciel doit être trouvé, pour que le travail à domicile soit ressenti comme un bénéfice plutôt qu'une sanction. Pour celles et ceux qui souhaiteraient bénéficier du télétravail, celui-ci ne devrait pas excéder trois jours par semaine pour éviter les risques de rupture.

Les retours terrain décèlent aussi que de fortes attentes des personnes en situation de handicap se cristallisent autour du management. En distanciel, elles ont besoin d'être rassurées, encadrées et suivies par des manageurs disponibles et proches de leurs équipes, et ce malgré l'éloignement physique. Les temps d'échanges spontanés, en marge du travail, sont également bien accueillis par les collaborateurs et permettent aussi un second niveau de dialogue, dans lequel les marqueurs de difficulté sont plus facilement identifiables par les supérieurs.

Pour que le télétravail de tous les actifs, y compris ceux en situation de handicap, soit une réussite, il faut avant tout réserver du temps aux échanges. En dialoguant, en accueillant positivement les retours des collaborateurs, en prenant le temps d'analyser les difficultés rencontrées et en prenant le risque de tester de nouvelles organisations, les employeurs ont les bagages suffisants pour mettre en place des conditions de travail inclusives dans lesquelles les besoins de chacun sont considérés et dans lesquelles les employés en situation de handicap peuvent s'épanouir."

Retrouvez l'intégralité du texte de cette tribune sur le site internet du Journal du Dimanche.

*Travailleurs à distance
** Enquête -IFOP-AGEFIPH

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